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Soft Skills numéro 2 et 3 : intuition et pensée analytique

C’est toujours gênant de lire des rapports qui donnent des classements de soft skills à développer à l’ère de l’IA Générative sans jamais nous donner les pistes pour le faire!

C’est pour cela que j’ai commencé une série d’articles sur le sujet avec des spécialistes. Revoici le lien pour le premier épisode : développer la pensée créative avec Ludovic Sabatier.

Dans le top 20 des soft skills à développer à l’ère de l’IA, l’intuition et la pensée analytique seront vraiment ce que tu dois développer d’ici à 2027 en top priorité.

Oui mais comment développer ces soft skills ?

En lisant le livre de Yann Coirault « Les 5 clés pour prendre les bonnes décisions« , je me suis dis « voilà mon prochain invité pour traiter le sujet! »

Il a bien voulu répondre à quelques questions pour expliquer dans ce podcast comment développer ces deux soft skills.

Comment acquérir les compétences d’intuition et de pensée analytique?

1. Yann peux-tu te présenter ?
2. Quelle est la différence entre les problèmes simples et les problèmes complexes?
3. Quelles sont soft skills personnelles associées à la prise de décision dans les situations complexes?
    3.1 Le discernement
    3.2 La gestion du stress et le lâcher prise
    3.3 L’intuition
4. Quelles sont les soft skills méthodologiques?
5. Comment et pourquoi relier l’émotion, la raison et l’intuition?
6. Est-ce que l’intuition serait nos biais cognitifs déguisés?
7. Quel est ton exercice préféré pour réveiller ou muscler son intuition?
8. Peut-on opposer le mécanique à la chimie humaine?
9. Faut-il mettre la pensée analytique avant la pensée créative?
10. Les soft skills peuvent s’acquérir et se perdre?
11. Lesquelles de tes soft skills sont sollicitées quand tu utilises l’IA Gen ?
12. Est-ce que finalement l’IA Gen ne va pas nous aider à être de plus en plus humains?

Prends 35 minutes pour écouter ses réponses

Voici la retranscription du podcast pour toi lecteur si tu préfères lire.

« Suite à la publication d’un article sur les soft skills à développer à l’air de l’IA Générative sur mon blog je souhaite échanger avec des spécialistes pour savoir comment concrètement nous allons nous y prendre nous les humains pour acquérir ces soft skills et nous différencier des machines!

1. Tu es donc mon deuxième invité et pour ceux qui ne te connaissent pas, Yann peux-tu te présenter ?

Alors pour me présenter rapidement je suis consultant formateur coach et concepteur pédagogique notamment en soft skills et je suis l’auteur d’un livre sur la la prise de décision qui s’appelle « les cinq clés pour prendre les bonnes décisions ».

Je crois que c’est ça qui a initié ton envie de m’interviewer là-dessus.

Dans l’étude qui a été publiée par le cabinet McKinsey fin 2023, le cabinet affirme que les IA auront plus de plus en plus la capacité technique de de résoudre des problèmes! Ça m’interroge! J’imagine qu’on parle peut-être plus de problèmes simples et pas de problèmes complexes.

2. Quelle est la différence entre les problèmes simples et les problèmes complexes?

Tout d’abord il s’agit de faire la différence entre ce qui est simple, compliqué et complexe, ce n’est pas tout à fait la même chose.

Je vais donner trois exemples, c’est facile à comprendre. Un nœud chaise, un Airbus A380 qu’il faut démonter et un plat de spaghetti qu’il faut servir ou desservir.

On peut considérer qu’un nœud de chaise, c’est quelque chose qui est simple. Même si ça paraît un peu compliqué dans un premier temps de faire un nœud de chaise, il suffit d’avoir quelques tutos quand tu as appris à le faire.

Une fois que tu l’as fait, tu sais le faire, le défaire et tu sais le faire même les yeux fermés ou les bras dans le dos. Donc, c’est un problème simple.

Un problème compliqué, c’est-à-dire démonter un Airbus à 380, effectivement, c’est compliqué mais c’est faisable. Tu mets une équipe d’ingénieurs, de techniciens mécanos sur un Airbus A380, ils te le démontent entièrement et ils te le remontent entièrement tel qu’il était auparavant.

Un problème complexe, c’est l’équivalent d’un plat de spaghetti. Et un plat spaghetti, pourquoi c’est complexe ? Parce que c’est imprévisible, parce que c’est pas reproductible, parce qu’il y a beaucoup d’interactions entre les différents spaghettis qui sont pas analysables en fait, et c’est extrêmement difficile en fait de prévoir la tête que va avoir un plat spaghetti quand tu les mets dans une assiette.

Vouloir résoudre un problème complexe du genre comment je vais enrouler mes spaghetti dans ma fourchette pour éviter que la sauce tomate ne vienne éclabousser ma chemise, ça, ça devient un problème complexe en fait à résoudre. Or un cerveau humain aujourd’hui, me semble-t-il, est capable de résoudre ça.

Donc oui probablement l’IA est capable de résoudre aujourd’hui à la place des humains le démontage et le remontage d’un Airbus à 380. Pour un plat spaghetti il me semble que il y a encore un peu de marge.

3. Toi qui est spécialise des soft skills est-ce qu’il y a des soft skills associées à la prise de décision dans les situations complexes?

La prise de décision a été extrêmement étudiée par les psychologues et par les neuroscientifiques également parce que c’est quelque chose qui occupe le temps de notre cerveau au quotidien.

Il y a une étude en 2010 qui a été publiée dans Science et qui estime que le cerveau humain est capable de prendre environ 35000 décisions conscientes par jour!!

35000 décisions conscientes et on ne parle même pas des décisions inconscientes que tu fais quand tu conduis, quand tu manges quand tu fais des des tâches qui sont automatisées.

35000 décisions par jour, ça fait environ 36 décisions par minute c’est énorme!

Notre cerveau n’arrête pas de prendre des décisions, il est entraîné à faire ça, il est entraîné en permanence à décider quoi faire par rapport à une situation.

Donc en terme de neuroscience c’est central dans le fonctionnement du cerveau.

Donc si on parle de soft skills qui sont associées à ça, ça a été très étudié du point de vue psychologique.

Mais si on parle des questions de psychologie, on peut discerner deux grands types de soft skills qui sont associées à la prise de décision :

  • il y a les soft skills qui sont personnels et
  • les soft skills qui sont méthodologiques.

3.1 Pour les soft skills personnelles, il y a une première soft skill qui est de l’ordre de la compétence comportementale concernent le discernement. 

Or le discernement dans la prise de décision a été extrêmement étudié, il y a beaucoup de bouquins là-dessus.

Le discernement c’est savoir distinguer par exemple les éléments pertinents, qu’est-ce qui est pertinent ou pas pertinent dans une situation.

Un urgentiste qui arrive sur une situation d’urgence, qu’il soit pompier ou qu’il soit médecin, il doit distinguer les éléments pertinents de ceux qui ne le sont pas. Qu’est-ce qui est important de ce qui ne l’est pas ?

D’élaborer à ce moment-là différentes options, qu’est-ce que je fais, qu’est-ce que je ne fais pas, dans quel sens je vais, je vais à droite, je vais à gauche.

La prise de perspective aussi, c’est la prise de hauteur, c’est ne pas être dans la situation mais prendre un peu de perspectives par rapport à ce qui se passe. Ce qu’on appelle aussi l’auto-réflexion, c’est « est-ce que ce que je suis en train de penser va dans le bon sens? ».

Être en capacité de dire, ah oui, tiens, cette voiture rouge, elle me plaît beaucoup, mais finalement, en fait, est-ce que c’est parce que c’est une voiture rouge ou parce que c’est une voiture italienne ?

Je ne fais pas de référence à Ferrari particulièrement, je ne fais pas de pub, mais par rapport à ça, c’est de se dire, est-ce que je suis moi-même dans le bon processus ? Donc ça, c’est ce qu’on appelle le discernement.

3.2 La deuxième grande compétence comportementale, on va mettre ça sur la gestion du stress, mais aussi le lâcher prise.

Parce que face à des situations complexes, comme on l’a vu tout à l’heure, comme on ne sait pas prévoir vraiment si notre décision va être bonne ou pas. Autant un ordinateur est capable de dire, puisque c’est binaire, c’est l’option A qui va marcher et globalement ça marche.

Oui, où il y a une probabilité que l’option A fonctionne à hauteur de X %, etc.

Mais dans une situation complexe, c’est impossible. Donc il y a un moment où, de toute façon, il faut prendre une décision et tu ne sais pas si c’est la bonne décision ou la mauvaise.

Et donc il y a une sorte de lâcher prise, à un moment, c’est de dire OK, j’y vais quoi, je vais à droite ou à gauche. Donc savoir gérer son stress par rapport à ça, quand il y a des enjeux, quand on est dans le brouillard.

L’image de la conduite en situation de brouillard, c’est une super image en fait. Je ne sais pas où je suis, je ne sais pas trop où je vais, j’ai peut-être un GPS, mais je ne sais pas si c’est le chemin de droite ou le chemin de gauche qu’il faut que je prenne.

Il y a un moment où on est obligé de choisir et ça, c’est indispensable pour mettre en marche l’intuition.

3.3 L’intuition qui est la troisième compétences comportementales ou soft skills nécessaires pour la prise de décision.

C’est un moment de sortir ses radars et c’est le radar qui va dire c’est à droite ou à gauche. C’est pas le cerveau cortical, c’est pas le cerveau analytique qui va le dire. C’est d’autres choses qui auront capté d’autres éléments et qui vont te permettre de dire c’est là qu’il faut aller. Oui, c’est ça.

4. Et puis après, tu as parlé de soft skills méthodologiques?

Ah oui. Qu’est ce que j’ai comme outil?

Et là on retombe, mais c’est aussi indispensable, sur toutes les  méthodologies de prise de décision, d’analyses de risques.

Qu’est-ce que j’ai comme outil, le SWOT, le risque, l’opportunité, etc. Les critères de décision, la pondération des critères, enfin toutes ces méthodologies des arbres décisionnels qui ont été mis en place, notamment avec l’industrie, qui ont permis de dire l’analyse des causes, enfin tous ces trucs-là, qui sont aussi indispensables. Il ne s’agit pas de dire que ça c’est pas bon.

Sauf que ces méthodologies ne fonctionnent que dans le cas où les causes sont répétitives et où les situations sont répétitives.

Si les causes sont pas les mêmes et si les situations sont pas répétitives, les méthodologies typiquement rationnelles, seules en tout cas, ne peuvent pas fonctionner.

[NDRL dans les méthodes que j’aime beaucoup pour la prise de décision, je vous recommande le sprint digital d’Olivier Zara qui permet d’adresser les situations complexes]

Pour revenir à ce que tu disais sur les les soft skills personnel dans ton livre « les cinq clés pour prendre les bonnes décisions », tu parles justement de relier les émotions la raison et l’intuition alors que ça a longtemps été séparé.

Si tu demandes à un chef d’entreprise comment il fait pour prendre ses décisions et qu’il te dit bah « j’utilise mon intuition », bizarrement on pourrait avoir tendance à pas tellement lui faire confiance.

Dans un monde où tout est très processé, très carré, très maîtrisé, où la productivité, les KPI, tout ce qui est carré est absolument encensé en ce moment!

5. Dans ton livre tu relies l’émotion la raison et l’intuition. Peux-tu nous dire comment tu les relies et pourquoi?

Alors je me suis intéressé à ça assez tôt, il y a une vingtaine d’années environ en fait. Et effectivement, je suis ingénieur de formation, et donc je ne renie pas ma formation évidemment, ça m’a aidé beaucoup à plein de choses, et on vit dans des entreprises qui sont des entreprises hyper rationnelles en fait.

Les prévisions, qu’elles soient budgétaires, qu’elles soient techniques, qu’elles soient humaines même, surtout en ce moment, sont indispensables.

Mais même dans un monde de plus en plus complexe, on demande de plus en plus à faire des prévisions. Il y a quelque chose qui est un peu antinomique par rapport à ça. Mais on continue à asseoir nos processus de décision globaux, sur des méthodes rationnelles, en fait.

Et effectivement, sur la prise de décision intuitive, ça ne fait pas sérieux, en fait. Et pourtant, les leaders sont ce qu’on appelle les visionnaires, ceux qui ont l’intuition de quelque chose. Voilà, on va renommer cela Elon Musk ou Steve Jobs, tous ces gens-là, voilà.

Elon Musk est pourtant un hyper rationnel, mais pour autant c’est un hyper intuitif aussi. Donc c’est des gens qui sont en capacité de dire, ah c’est par là qu’il faut aller, même si je suis un peu à côté de la plaque ou à côté des autres, je sais que c’est par là qu’il faut que j’aille.

Et c’est intéressant de voir que dans le monde de l’entreprise des personnes comme ça sont admirées comme des grands chefs d’entreprise.

Et pour autant, dans les décisions au quotidien dans les entreprises c’est pas vraiment ce qui est attendu. En fait c’est normal, les contradictions sont humaines! C’est un peu normal parce qu’on a la trouille en fait, on a la trouille de l’intuition parce qu’il y a eu des grands débats là dessus.

Gary Klein par exemple a écrit des bouquins sur l’intuition et qui ont été très décriés en fait, il y a eu des bagarres sur ses conclusions, puisque lui il est allé voir des gens qui fonctionnaient par leur intuition, grâce à leur intuition, dans leur métier au quotidien.

Encore une fois dans le monde de la santé, dans le monde financier, et c’est intéressant.

Par exemple, j’ai parlé à Itzhak Gilboa, qui est le responsable de la chaire des sciences de la décision à HEC Paris.

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J’étais tout à fait étonné d’abord de voir qu’il y avait une chaire qui s’appelle « les sciences de la décision », c’est super intéressant de voir ça à HEC, et qu’Itsak Gilboa a donné des interviews sur l’importance de l’intuition dans la prise de décision.

En finance y compris et pour l’entreprenariat y compris. C’est un peu plein de contrastes sur ces choses-là. En tout les cas, scientifiquement, ça a été démontré, il n’y a pas photos.

6. J’ai une amie qui justifie de ne pas écouter son intuition parce que selon elle, notre intuition serait en fait nos biais cognitifs déguisés. Tu en dis quoi ?

J’en dis que les biais cognitifs sont tout à fait présents tout le temps, y compris dans la prise de décision, le biais d’excès de confiance, le biais de l’élan vital, j’aime beaucoup celui-là, il y en a plein.

C’est quoi le biais de l’élan vital?

Le biais de l’élan vital, c’est l’homme qui se dit, pour être vivant, il faut que je fasse quelque chose en fait, donc il faut que je décide.

C’est Bergson qui a développé ça en tant que philosophe en tout cas, mais d’autres aussi ont développé ce truc-là.

Pascal notamment mais en disant, le grand défaut de l’homme, c’est de ne pas pouvoir rester dans sa chambre allongée sur son lit et ne rien faire.

En fait, l’Homme, l’être Humain en tout cas, face à quelque chose, se dit toujours, il faut que je fasse quelque chose.

C’est le syndrome du gardien de but qui bouge face à un penalty. Alors statistiquement, s’il ne bougeait pas, il arrêterait plus de but que s’il bougeait. C’est rigolo. Ça a été étudié. Mais bon. Oui, il y en a beaucoup. On n’y échappe pas.

Mais donc, du coup, les biais cognitifs, il y en a quand même énormément! Quand on regarde sur Wikipédia, il y en a plus d’une centaine!

Comment on peut échapper aux biais cognitifs ?

Mais on ne peut pas y échapper, on n’y échappe pas!

Étonnamment, j’ai tendance à ne pas croire mon amie car je me demande s’il n’y a pas une chimie de l’intuition aussi?

Quelque chose qui ne serait pas de l’ordre du rationnel, mais vraiment du chimique, tu vois, un peu organique.

Oui, j’ai lu évidemment beaucoup là-dessus et j’ai expérimenté aussi et pratiqué l’intuition. J’ai fait les deux. C’est cette sorte de choses qui arrivent quand c’est l’intuition qui parle.

Où il y a une sorte de changement de sensation, il y a une sorte de changement dans le temps qui passe, qui est différent, il y a quelque chose qui se passe quand l’intuition arrive.

Il y a eu des démonstrations où le cerveau s’éclaire de manière globale, c’est comme s’il y avait un flash sur l’ensemble du cerveau quand il y a des intuitions qui arrivent.

Le fameux Eurêka ! Mais il a été démontré, vraiment!

Et on l’a tous expérimenté, ce truc-là. C’est de dire, mais si, c’est ça qu’il faut que je fasse. Et tu sais pas pourquoi. C’est assez froid.

Quelquefois, ça va à l’encontre de ton propre raisonnement. Quelquefois, ça va à l’encontre de ce que tu aimerais faire. Mais pour autant, le truc qui t’arrive, il est là en disant, mais si, c’est ça qu’il faut que je fasse, en fait.

Et ce truc là, de mon point de vue, en fait, justement, prend un raccourci par rapport au biais cognitif.

L’intuition va plus vite, ça ne prend pas les mêmes chemins.

7. Dans ton livre tu proposes des exercices pour réveiller ou muscler son intuition : est-ce que tu peux nous parler de ton exercice préféré?

On a tous normalement un dictionnaire à la maison. Il suffit de réfléchir à un chiffre en fait entre 0 et 20 mettons, de prendre au hasard une page du dictionnaire et ensuite d’aller pointer du doigt le chiffre qui correspond au mot que votre intuition et que ton intuition en fait a choisi.

Et ensuite juste, en me disant maintenant, ça m’a choisi par exemple « néoprène », bon ok, c’est juste de refermer le dictionnaire et dire néoprène : juste fermer les yeux et de laisser venir ce qui vient en fait.

De ne pas se dire, mais « pourquoi j’ai choisi une néoprène? » C’est parce que j’ai acheté une colle hier?

Non, c’est pas le truc, c’est juste fermer les yeux. Tiens, il y a néoprène qui m’est venu et c’est quoi le truc d’après qui vient ? Quelle image me vient ? Et laisser courir sa pensée comme ça pendant quelques dizaines de secondes, pas plus.

Il ne faut pas faire des méditations de 30 minutes pour laisser venir l’intuition. Juste laissez courir sa pensée avec un point d’ancrage.

Tu peux faire ça avec des livres d’images, tu peux faire ça avec des magazines, tu peux faire ça avec des cartes aussi, ça se fait.

Mais c’est juste de dire, tiens, je vais laisser venir ce qui est en train de venir à moi, et je prends un support quel qu’il soit, et ça m’aide en fait à en créer quelque chose.

C’est rigolo parce qu’à chaque fois que j’ai vu des gens tirer des cartes, « comme de par hasard », il y a un truc qui sort et ils se disent ah mais ça c’est dingue!

Et oui, et oui, et oui… Absolument! C’est ça! Il s’agit pas d’être cartomancien quand on fait ça.

Et « comme de par hasard », il se passe quelque chose et ce n’est pas un mot au hasard ou ce n’est pas une carte au hasard. Et ça leur envoie un message et « comme de par hasard », c’est le bon message en plus! Le nombre de fois où ça arrive.

Mais ça, c’est expliqué chimiquement? C’est quoi? C’est la loi de l’attraction?

Y-t-il une chimie de l’univers, un truc quantique qu’on est en train de découvrir?

Alors ça, j’ai rien lu là-dessus. La personne qui a déclenché ce genre de technique avec moi ou chez moi en tout cas, elle s’appelle Laura Day, elle est aux États-Unis, elle a écrit deux ou trois bouquins sur l’intuition.

Et bizarrement j’ai été attiré par son livre un jour dans un magasin de bouquins d’occasion, je sais pas si tu vois ces bouquins d’occasion, enfin c’est le magasin là, et j’ai été attiré par ce truc là.

J’ai dit qu’est-ce que c’est que ça, « exercices pratiques d’intuition »? Et en fait elle a plein plein plein d’exercices pratiques comme ça, qui permettent en fait de lâcher son cerveau gauche, sa rationalité, comme on l’appelle.

En fait, qu’importe, mais il faut arrêter de réfléchir pour laisser venir l’intuition. Et ensuite, il s’agit pas de dire « tout ce que mon intuition me donne c’est la bonne réponse ». C’est pas ça! C’est s’en servir en fait, comme étant un élément complémentaire à sa prise de décision.

8. A l’ère de l’IA justement, j’oppose le mécanique à la chimie humaine

J’ai l’impression que la chimie humaine est quand même beaucoup plus complexe que des simples probabilités.

Enfin tout n’est pas, j’imagine, probabilité! C’est beaucoup plus complexe que ça et c’est peut-être ça aussi qui nous porte de temps en temps à l’amour, à l’empathie.

Enfin il n’y a rien de rationnel dans l’amour! Après on peut faire des probabilités, on voit qu’il y a même des émissions de télé là-dessus qui te calculent la probabilité que tu sois en couple avec une personne ou une autre.

Mais en vrai de vrai de vrai, bizarrement, il se passe des choses qui nous échappent complètement.

Et pourtant, il y a pas mal d’études qui disent que les machines nous rattraperont en tout point. En fait, c’est qu’une question de temps.

Oui, je n’y crois pas. Une machine est une machine, un humain est un humain, et je crois pas qu’on puisse reproduire ça à l’identique. Enfin, ça, quand je dis ça, c’est le mécanisme humain général. Je ne crois pas à ça.

Je crois qu’on va produire des machines de plus en plus efficientes sur ce qu’on leur demande de faire en fait. Et le film « Her », peut-être que tu connais, qui est assez emblématique, je n’y crois pas en fait à ça.

Peut-être c’est idiot, mais je ne crois pas au fait que des machines produites par l’humain, puissent un jour dépasser l’humain et ensuite quitter la planète pour dire, bon, on n’a plus rien à faire ici, on va ailleurs.

Ah oui, toute la première partie du film, j’y crois à fond, d’avoir une petite puce dans l’oreille avec une IA qui te parle et qui te dit ce que tu as envie d’entendre. Alors ça, oui, absolument.

Qu’elles soient en capacité ensuite d’auto-évoluer ou d’auto-muter. Pourquoi pas ? Parce que c’est tout à fait possible qu’on les programme aussi pour s’améliorer. Donc ça, pourquoi pas ?

En revanche, qu’à un moment, elles aient une conscience de soi. C’est là où on tombe dans des débats philosophiques, je ne sais pas trop…

Mais la fin du film est tout à fait intéressante, mais c’est vrai que ça fait un peu science-fiction, la conscience de soi.

J’espère vivre assez longtemps pour voir quand même tout ça, parce que je pense qu’on est limité en termes d’imagination et qu’il y a des trucs qu’on n’a pas encore inventé ou qu’on n’imagine même pas.

Au Moyen Âge, ils n’imaginaient pas des téléphones portables sans fil avec des gens qui s’appellent au quatre coins de la planète. Donc il y a tout un tas de trucs, à mon avis, qu’on n’imagine pas. On pourrait être surpris!

Le côté très chimique, avec tout ce qui est les endorphines, l’ocytocine, la dopamine, enfin, tous ces trucs là, c’est quand même très chimique. On sort du mécanique!

Oui, vivons vieux, absolument !

Alors pour en revenir à ce qui avait été édité dans les différents rapports et notamment je pense au World Economic Forum, chaque année ils font les prédictions sur quelles sont les soft skills à développer.

Le World Economic Forum a mis dans ses précédentes études la pensée analytique et l’innovation au numéro 1 et cette année ils ont mis en numéro 1 la pensée créative et ensuite la pensée analytique.

9. J’aurais mis la pensée analytique en 1er et ensuite la pensée créative

La pensée analytique, c’est quand même elle qui te permet de prendre du recul, d’avoir du sang froid, d’analyser, d’avoir une forme de bon sens aussi. Et puis de ça, hop, ça part en créativité. Qu’en penses-tu?

Je pense que l’ensemble de ces soft skills là sont nécessaires dans beaucoup de situations complexes en fait. Et de vouloir les hiérarchiser c’est un peu compliqué.

Alors évidemment un chercheur en nanotechnologie, on va pas lui demander les mêmes choses que un chercheur en biologie moléculaire etc.

Donc ça dépend tellement des spécialités! Si je pense au nucléaire, il n’y a pas besoin de beaucoup de créativité aujourd’hui. En revanche dans les nanos je sais que c’est nécessaire et en bio c’est aussi nécessaire.

Ce que je trouve plus intéressant en fait c’est d’élargir le champ de ses propres possibles en se disant ouais je suis ingénieur aérothermicien, je travaille pour une grande boîte de l’aéronautique et je suis comme ça en fait. Ou alors je suis un artiste et comme je suis un artiste, je suis comme ça.

Moi ce qui m’intéresse plus, c’est que autant l’artiste que l’ingénieur aérothermicien puissent se dire, et l’un et l’autre, quelles compétences je peux développer dans mon activité au quotidien, pour être plus quelque chose, pour faire plus beau, plus efficace, pour aller plus loin, pour imaginer d’autres choses ou pour ancrer des choses qui fonctionnent bien.

Ça m’intéresse plus de faire en sorte ou d’aider les personnes à se muscler un peu plus et à élargir leurs propres compétences de manière plus large, que ce soit du côté créatif ou que ce soit du côté analytique.

10. Les soft skills, si ce sont des compétences, ça veut dire qu’elles s’acquirent et qu’elles se perdent?

Ce que je regrette à chaque fois dans ces dossiers ou dans ces rapports des grands instituts, c’est qu’ils font des listes, mais il n’y a pas après l’exercice pratique de dire comment je fais pour acquérir la pensée créative ou la pensée analytique. C’est après, c’est démerde toi!

Et puis comme tu le dis, c’est très séquencé, top 1, top 2, top 3, mais il n’y a pas de liens qui sont faits entre les différentes soft skills, etc.

Je me dis donc qu’est-ce qu’il faut faire ? Il faut faire des sudoku une heure par jour pour se muscler les cervelles et puis globalement ça va aider?

Tu nous as donné l’exercice du dictionnaire qui est phénoménal, qui peut justement nous ouvrir des choses.

Comment on acquiert finalement ces soft skills de pensée analytique ou de pensée créative ?

On fait des formations, on vient te voir, on lit tes livres, comment ça se passe ?

On peut lire des bouquins déjà, c’est sûr, les miens ou plein d’autres aussi.

Je crois beaucoup en la conscience de soi, en fait, on t’en parlait tout à l’heure. La conscience de soi humaine, c’est quelque chose qui est au centre de plein d’écoles, plein de réflexions, plein de modèles. Ça démarre par ça, en fait. Suis-je conscient de moi-même ?

Suis-je conscient de ce que je fais ? Est-ce que je suis conscient de mes actes, de mes points forts, de mes points de faiblesse, de ce que je peux changer, de ce que je suis incapable de changer, de mes points de lumière, de mes points d’ombre ?

Est-ce que j’ai une conscience de moi-même suffisante pour pouvoir m’améliorer ? Sans ça, rien ne peut fonctionner sur les soft skills.

Si tu obliges une personne à venir dans une formation sur l’affirmation de soi, la gestion du temps, ce que tu veux, si elle n’a aucune conscience d’elle-même ou du management, si elle n’a aucune conscience d’elle-même dans sa propre pratique, elle sera incapable en fait de faire quoi que ce soit comme progrès.

Après, ce que beaucoup de personnes disent, c’est que autant quand tu apprends par exemple les arts martiaux, le karaté, tu passes des ceintures ou quand tu fais de la musique, tu apprends un instrument, tu passes des niveaux.

Et c’est vrai que les soft skills, c’est très compliqué de se dire, tiens, je suis ceinture jaune en résolution de problèmes, je suis ceinture noire en créativité.

Il y a certaines personnes qui décrochent avec ça parce qu’ils n’arrivent pas à se situer. Et n’ayant pas la capacité de se situer, ils ne savent même pas où ils en sont.

Et ça rend le sujet un peu impalpable et parfois décourageant pour certaines personnes en disant mais comment je vais m’y prendre pour sentir que je progresse et sentir que ça génère quelque chose de différent au travail, dans mon management, auprès de mes équipes?

Pour avoir accompagné un certain nombre de personnes, soit dans les formations, mais surtout je dirais en coaching individuel, où il y a des gens, à la fin de processus de coaching ou de formation, ou de parcours un peu long, disent, ah oui, là j’ai appris des trucs !

Là ça m’a ouvert les yeux sur ça. Là j’ai appris à réfléchir, je me souviens de quelqu’un qui m’a dit, là Yann, j’ai appris à réfléchir sur moi et je ne le faisais pas avant.

Quand les gens sont payés à accomplir des tâches, ils ne réfléchissent pas à eux par rapport aux autres. Ils réfléchissent à est-ce que j’ai accompli la tâche, c’est ce qu’on attend de moi ou pas, en fait.

Mais la manière d’y arriver, ils n’y réfléchissent pas. Et c’est à ça que ça sert, je pense, ce qu’on dit là sur les soft skills et ce qu’il est nécessaire d’accomplir pour aller vers quelque chose de plus complet.

Moi je rêve d’études de médecine dans lesquelles on leur fera une formation de relations au patient.

Ça, ce serait merveilleux, mais même sans aller sur un métier spécifique, la connaissance de soi, ça devrait être même enseigné à l’école. C’est ce qu’on avait fait avec le Passeport Papillon et de continuer à donner des clés de compréhension.

Bien sûr, oui!

Et d’autant plus par rapport à l’intelligence artificielle, j’ai l’impression que plus on aura de robots et plus il faut qu’on aille sur ce sur quoi l’humain est très très bon, qui sont quand même les soft skills.

C’est à dire la conscience de soi, la relation, toutes les interactions humaines qu’on peut avoir et la façon dont on le fait et l’impact que ça peut avoir.

11. As-tu utilisé des IA génératives ? Et si oui, lequel de tes soft skills ont été sollicités dans cette interaction avec les IA Gen ?

Ah, c’est chouette ça, comme question. Oui, bien sûr que j’en utilise, j’utilise évidemment OpenAI et ChatGPT, mais aussi pas mal d’autres, plutôt dans la génération de textes d’ailleurs, de structuration, de choses comme ça.

Ou je commence à remplacer les moteurs de recherche Google par ChatGPT pour voir ce que ça fait, je compare, etc.

Ce que ça m’a appris à faire, c’est à exprimer correctement ma demande, exprimer correctement ma question. Et pourtant je suis un peu habitué en tant que coach, j’étais un peu formé à ça, mais du coup les techniques de coaching avec l’IA ça ne marche pas très très bien.

Effectivement, le silence avec l’IA, ça ne marche pas. Ou la reformulation, ça ne marche pas non plus.

Donc il faut avoir des techniques de formulation en tout cas de quoi j’ai besoin moi.

Et ça c’est intéressant car je m’aperçois qu’en formulant de manière différente la demande et bien j’ai en partie résolu la question, en fait, souvent.

Finalement plus on sait ce qu’on veut et mieux on le trouve et plus c’est pertinent et voire on n’a plus besoin de poser la question.

J’ai remarqué que ça développe aussi la créativité parce que le nombre de fois où je ne sais pas quoi demander à tous ces robots!

Souvent je suis allée me nourrir de tutoriels d’autres personnes ou de ce qu’on appelle les cheat sheets, c’est-à-dire tout ce qu’on peut trouver pour nous aider à poser les bonnes questions. Je me disais, ah ouais tiens ça je n’y avais pas pensé!

Donc, ça m’aide à être plus créative dans ce que je pourrais demander à un robot et qu’est-ce que je pourrais en faire pour moi. Et parfois, je me trouve un peu limitée sur ma propre créativité. C’est fou!

Oui et puis je sais pas si tu as déjà essayé de faire l’exercice avec deux personnes qui posent les mêmes promptes en fait à une même intelligence artificielle mais qui obtient des réponses différentes ?

Tu sais je donne des cours de management aux compagnons et donc on utilise évidemment l’intelligence artificielle en cours. C’est-à-dire qu’il y a plein de fois où je leur dis, allez chercher dans Mistral, allez chercher dans ChatGPT, allez chercher dans Perplexity, dans ce que vous voulez et puis après on met ça en commun et on hybride, on diverge et on converge.

Je leur ai appris à faire les bons prompts, et même avec ça, les réponses ne sont pas forcément les mêmes, parce que les élèves ont introduit peut-être autre chose qui les intéressait plus, etc. Et après, l’hybridation, elle est super intéressante!

Oui c’est drôle je crois beaucoup en tout cas dans l’utilisation de l’IA!

Oui parce que c’est là qu’on va prendre du recul, c’est là qu’on va commencer à réfléchir, c’est là qu’on va se dire mais au fait la machine nous répond ça, mais qu’est ce que nous on en pense en termes de groupe? Et sur quoi finalement on va se mettre d’accord? C’est hyper riche.

Dans les métiers de l’accompagnement, de la formation, etc. ou de l’enseignement aussi, on voit que les premières orientations étaient plutôt sur l’interdiction, et j’ai l’impression que ça bouge.

Et oui, il y a plein de profs, en fait, qui utilisent l’IA comme étant un outil d’éducation, plutôt que de l’interdire. Ça me semble préférable.

Et en plus, ce qui est très, très intéressant avec l’IA, c’est pas tant le résultat que la façon dont on arrive au résultat.

C’est ce que tu disais, comment on s’est posé la bonne question, comment on a posé le problème, qu’est-ce qu’on fait de la réponse, comment on va l’utiliser, comment on la met ensuite en mouvement dans la vie réelle?

C’est tout ça qui est passionnant. Après, le contenu en tant que tel, on s’en fout un peu. On s’en fout pas quand il s’agit de, comment dire, de réponses un peu folles données par un robot qui pourrait halluciner, ça on s’en fout pas.

Mais ce que je veux dire par là, c’est qu’au fond, le contenu est beaucoup moins intéressant que tout ce qu’il y a autour en termes d’éducation, tu vois, d’autonomie, de compétences, de liens les uns aux autres.

12. Est-ce que finalement les machines ne vont pas nous aider à être de plus en plus humains?

C’est à la fois une bonne formule et une bonne intention et un bel objectif en tout cas parce que c’est vrai que c’est intéressant quand on le fait en groupe.

Et peut-être que tu l’avais déjà pratiqué, mais tiens, comment on pourrait faire ci, comment on pourrait faire ça ? Eh bien tiens, posons la question à ChatGPT.

Eh bien ça fait des ouvertures, en fait, dans le process qui n’existait pas avant. Je trouve ça assez intéressant de voir cela. L’IA offre des ouvertures et non pas des fermetures.

Et donc cela profite plutôt à l’efficience de manière globale pour que nous on reprenne la main là où on a notre valeur ajoutée. »

Un immense MERCIIIIIIIIIIII Yann pour ton temps et cet échange très riche!

L’avenir nous dira si nous avons manqué d’intuition pour résoudre toutes les questions complexes de notre monde, où l’IA Gen ne fait que commencer!

Tu peux aussi relire le premier article qui a inspiré cet article et écouter les autre épisodes!

Top 20 des soft skills à développer à l’ère de l’IA

Soft Skills numéro 1 : développer la pensée créative