
Te sens tu noyé par le flot incessant des innovations des IA Génératives? Tu sens que ta productivité fluctue selon les innovations des outils… ce qui finit par te fatiguer ?
Tu n’es pas seul lecteur! Voici une explication en 4 points, de tout ce dont on ne parle jamais, à propos de la productivité…
La courbe de productivité brisée
Quand j’ai passé mon permis de conduire, j’ai suivi une courbe de productivité classique :
Étape 1 (Apprentissage Initial) : progression lente, je découvrais les bases
Étape 2 (Montée en Compétence) : gain rapide, tout devenait plus fluide
Étape 3 (Plateau de Maîtrise) : compétence stabilisée, je conduisais sans y penser… Les pédales de voiture ne changent pas, et je n’ai pas besoin de repasser mon permis tous les jours!
Alors oui, ayant passé mon permis à Rome, certaines personnes te diront que ma compétence en conduite n’est pas ouf (en Italie, on t’apprend à ne pas regarder dans le rétroviseur…). Mais je n’ai jamais cartonné personne, donc, globalement ça vaaaaaaaaaaa ha ha ha!
Avec l’IA Générative, on vit tous une réalité radicalement différente. Je me sens globalement coincée entre l’étape 3 et l’étape 4.
À peine j’atteins un plateau de maîtrise avec ChatGPT que GPT-4.5 sort. Je commence à bien utiliser NotebookLM ? Une nouvelle fonctionnalité apparaît (les slides ou encore les infographies). Gemini évolue avec un Nano Banana de dingue mais toujours pas de moteur de recherche en France. Bref, les outils se multiplient et changent tous les jours…
Résultat : j’ai la sensation de ne jamais vraiment atteindre l’étape 5.
Au lieu de cela, je replonge constamment dans l’Étape 4 (Découverte de Nouveautés) avec son lot de :
- Remise en question : « est-ce que j’utilise le bon outil ? »
- Sentiment de découragement : « je rate forcément des astuces »
- Temps de veille constant : 30 minutes par jour tous les matins avec mon café, soit 130 heures par an (voir plus, comme je le découvrirai plus tard dans l’article…)
Ma courbe de productivité n’est pas linéaire. Elle est cyclique, épuisante, et jamais stabilisée.

Le contraste avec le discours ambiant
Pendant ce temps, les études nous annoncent fièrement :
- « L’IA fait gagner 40% de temps, avec en prime une amélioration de 18% de la qualité des productions ! » (MIT, 2023)
- « Les travailleurs sont 33% plus productifs avec l’IA, économisant en moyenne 5,4% de leur temps de travail total, soit environ 2,2 heures par semaine sur une base de 40 heures ! » (Federal Reserve, 2025)
- « Réduction de 60%+ du temps sur 18 tâches communes de travail » (Stanford/World Bank, 2024)
(D’ailleurs l’IA Générative ne sait pas tout faire comme vu dans un précédent article : Le Top 20 des soft skills à développer à l’ère de l’IA)
Mais ces chiffres mesurent quoi exactement ?
Le temps pour utiliser l’outil. Jamais le temps pour l’apprendre, le maîtriser, le réapprendre quand il évolue, choisir entre 10 alternatives, valider ses outputs, corriger ses erreurs…
Et surtout, ces études mesurent la vitesse, pas la puissance des résultats. Et c’est là finalement que la notion de productivité change radicalement selon moi.
Personnellement, je ne gagne pas plus de temps. Je gagne en puissance de réflexion. Mes analyses sont plus approfondies, mes productions plus riches, mes recommandations plus nuancées.
Mon travail n’est pas plus rapide. Il est fondamentalement différent.
Alors j’ai creusé : qu’est-ce que les études mesurent vraiment ? Et surtout, qu’est-ce qu’elles ne mesurent pas ?
Dans cet article, je décortique les 4 angles morts du discours sur la productivité grâce à l’IA Générative. Parce qu’avant de comprendre ce qu’on ne mesure pas, il faut d’abord comprendre ce que l’on mesure.
1. Le mythe du gain de temps brut
Le calcul qu’on ne fait jamais
Voici mon calcul personnel, celui que je vis au quotidien.
Mon investissement temps dans l’IA générative :
- 30 minutes par jour tous les matins avec mon café, pour suivre les nouveautés des outils (ChatGPT, Claude, Gemini, NotebookLM, Perplexity, Gamma, Lovable et j’en passe)
- 5 jours par semaine = 2,5 heures hebdomadaires
- 52 semaines par an = 130 heures annuelles minimum
- En réalité, avec les newsletters le week-end, les formations sur Coursera, les tutoriels sur Youtube, je suis plus proche des 200 heures par an
Les gains affichés :
- 2,2 heures économisées par semaine selon la Fed
- Sur 50 semaines de travail = 110 heures par an
Mon bilan réel cette année : -90 heures.
Oui lecteur, tu vas me dire que j’ai un profil atypique et que ma veille est excessive? C’est pas faux, mais je crois à la discipline de l’apprentissage!
Ce que les études mesurent… et ne mesurent pas
Comme on peut le lire dans le résumé de l’étude du MIT : « The experiment demonstrates that it does bring significant speed benefits, even if those speed benefits are lesser in the real world because you need to spend time fact-checking and writing the prompts. »
=> L’expérience démontre qu’elle apporte des avantages significatifs en termes de rapidité, même si ces avantages sont moindres dans le monde réel parce qu’il faut passer du temps à vérifier les faits et à rédiger les prompts.
Les chercheurs du MIT xPRO sont encore plus explicites : « It takes time to train workers on how to use these tools effectively, and simply introducing AI into a workflow doesn’t guarantee instant results. Workers must first develop the skills to leverage the technology, meaning companies must account for a learning curve before they see significant improvements. »
=> Il faut du temps pour former les travailleurs à l’utilisation efficace de ces outils, et le simple fait d’introduire l’IA dans un flux de travail ne garantit pas des résultats instantanés. Les travailleurs doivent d’abord acquérir les compétences nécessaires pour tirer parti de la technologie, ce qui signifie que les entreprises doivent tenir compte d’une courbe d’apprentissage avant de constater des améliorations significatives.
Le problème ? Ces mêmes chercheurs qui reconnaissent l’existence de cette courbe d’apprentissage ne l’intègrent jamais dans leurs calculs de productivité!!!!!
Les études mesurent systématiquement :
- ✅ Le temps AVEC l’outil vs SANS l’outil (lors d’une tâche donnée)
- ✅ La vitesse d’exécution sur des tâches spécifiques
- ✅ Le volume d’output produit
Mais elles ignorent :
- ❌ Le temps de veille technologique (200h/an dans mon cas)
- ❌ Le temps de formation continue aux évolutions
- ❌ Le temps de sélection entre outils concurrents
- ❌ Le temps de validation et fact-checking des outputs
- ❌ Le temps d’itération pour obtenir le résultat souhaité
- ❌ Le coût psychologique du FOMO (peur de manquer) permanent
Le piège de la comparaison
Le vrai calcul devrait être :
Gains de temps en exécution – Temps de formation – Temps de veille – Temps de validation = Gain net réel
Et ce gain net réel, personne ne le mesure jamais vraiment…
2. La transformation invisible du travail
L’exemple qui change tout
Dans son étude de 2024 sur l’impact humain de l’IA générative, McKinsey décrit le cas d’une spécialiste de la communication dans une grande entreprise. Avant l’IA, elle passait 60% de son temps à synthétiser des documents, collecter des informations, assembler des éléments pour les discours du CEO.
Avec l’IA générative ? Cette tâche ne lui prend plus que 10% de son temps.
Mais voici ce que McKinsey observe : elle n’a pas réduit son temps de travail de 50%. Elle n’a pas pris 50% de sa semaine en congés. Elle a fondamentalement changé la nature de son travail.
Les 50% de temps « libéré » sont maintenant consacrés à :
- Réfléchir stratégiquement au message que le discours doit véhiculer
- Déterminer la forme de communication la plus efficace pour chaque contexte
- Approfondir ses relations avec les journalistes spécialisés
- Aider la DRH à écrire le livre qu’elle voulait publier depuis des années
McKinsey conclut : « The value she adds to the job is now fundamentally different. » La valeur qu’elle apporte est maintenant fondamentalement différente.
Mon tableau de transformation
C’est exactement ce que je vis. Voici en fin de compte comment mon travail s’est transformé :
| Avant l’IA | Avec l’IA |
|---|---|
| 80% d’exécution | 30% d’exécution |
| 20% de réflexion stratégique | 70% de réflexion critique |
| Travail linéaire : faire → valider | Travail itératif : prompter → évaluer → ajuster → valider |
| Mon expertise = savoir faire | Mon expertise = savoir évaluer et orchestrer |
| Je rédige des formations | Je conçois des expériences d’apprentissage |
| Je produis du contenu | Je produis du sens |
Je ne vais pas plus vite. Je vais plus loin.
Quand je crée une formation sur l’usage de l’IA pour les jeunes Compagnons du Devoir, je ne gagne pas de temps. Au contraire, je passe probablement autant, voire plus de temps qu’avant. J’ai passé beaucoup de temps à trouver les derniers tutos sur les outils. Mais la profondeur de ma réflexion pédagogique, la richesse des exemples, la qualité de la personnalisation pour ce public spécifique : tout est décuplé.
Ce que dit la recherche
L’étude de Dell’Acqua et ses collègues du MIT, Harvard, Wharton et du Boston Consulting Group est révélatrice. Ils ont testé l’IA générative avec des consultants hautement qualifiés et ont découvert que :
- Quand l’IA est utilisée dans ses domaines de compétence : +40% de performance
- Quand l’IA est utilisée hors de ses capacités : -19% de performance
Mais le point intéressant est ailleurs : « Rather than blindly adopting AI outputs, highly skilled workers need to continue to validate AI and exert cognitive effort and experts’ judgement when working with AI. »
=> Plutôt que d’adopter aveuglément les résultats de l’IA, les travailleurs hautement qualifiés doivent continuer à évaluer l’IA et à exercer un effort cognitif et un jugement d’expert lorsqu’ils travaillent avec l’IA.

L’étude identifie deux profils d’utilisateurs ayant des comportements différents avec l’IA:
- Les « centaures » : ce comportement nommé d’après les créatures mythologiques mi-homme mi-cheval, décrit la situation dans laquelle les utilisateurs basculent entre des tâches confiées à l’IA et des tâches humaines, en fonction de leur évaluation de ce qui est le mieux adapté à une intervention humaine et de ce qui peut être pris en charge par l’IA.
- Les « cyborgs » : ce comportement nommé d’après les hybrides homme-machine de la science-fiction, décrit la manière dont les utilisateurs entrelacent leurs efforts avec l’IA à la frontière même des capacités. Cette stratégie peut se manifester par une alternance des responsabilités au niveau des sous-tâches, par exemple en initiant une phrase que l’IA va compléter, ou en travaillant en tandem étroit avec l’IA.
Dans les deux cas, le travail n’est pas « automatisé ». Il est transformé. Et cette transformation demande un effort cognitif constant.
Le déplacement cognitif invisible
Ce qui se passe réellement, c’est un déplacement de l’effort cognitif :
Avant : mon cerveau était occupé à 80% par l’exécution (trouver les mots justes, structurer les phrases, mettre en forme) et 20% par la stratégie.
Maintenant : mon cerveau est occupé à 70% par la validation critique (est-ce que cette formulation est juste ? est-ce que cet exemple est pertinent ? ce ton convient-il à mon audience ? ai-je assez réfléchi au sujet ?) et 30% par l’exécution de base.
Mon cerveau travaille différemment, pas moins. Et cette différence ne se mesure pas en minutes économisées.

Pourquoi les études ne captent pas ces nuances
Les études académiques mesurent ce qui est mesurable facilement :
- Temps pour accomplir une tâche : ✅ quantifiable
- Nombre de tâches accomplies par heure : ✅ quantifiable
- Score de qualité par des évaluateurs : ✅ quantifiable
Mais comment mesurer :
- La profondeur d’analyse stratégique ?
- La finesse de jugement dans l’évaluation des outputs IA ?
- La richesse de la réflexion pédagogique ?
- La pertinence contextuelle des choix effectués ?
Ces dimensions qualitatives, qui constituent désormais le cœur de mon travail, sont invisibles aux radars de la productivité classique et aux tableurs Excel en général.
3. Le risque de la délégation cognitive
L’étude qui fait réfléchir
En 2025, Michael Gerlich, chercheur à la SBS Swiss Business School, publie une étude qui devrait nous faire tous réfléchir. En analysant l’usage de l’IA par différents groupes d’âge et niveaux d’éducation, il a découvert que plus on délègue notre réflexion à l’IA, plus nos capacités de pensée critique s’érodent.
Mais le plus « inquiétant » n’est pas là. Gerlich a découvert une relation non-linéaire :
- Usage modéré de l’IA : pas d’impact significatif sur la pensée critique
- Usage intensif de l’IA : effets cognitifs négatifs marqués, avec des rendements décroissants
Autrement dit, il existe un seuil. Et personne ne sait précisément où il se situe 😬
Les jeunes en première ligne
Les résultats sont encore plus forts pour les 17-25 ans :
- Plus grande dépendance aux outils IA
- Scores de pensée critique significativement plus faibles que les groupes d’âge supérieurs
- Tendance à accepter les recommandations de l’IA sans questionnement
- Perte progressive de la capacité à analyser et résoudre des problèmes de manière indépendante
- Dépendance aux outils d’IA pour des tâches allant de la recherche d’informations simples à des processus décisionnels plus complexes.
Un participant a noté: «Je me retrouve à utiliser des outils d’IA pour presque tout – qu’il s’agisse de trouver un restaurant ou de prendre une décision rapide au travail. Cela fait gagner du temps, mais je me demande si je perds ma capacité à penser les choses aussi profondément qu’avant. »
L’OECD le formule ainsi : « If users fail to engage deeply with the technology’s outputs, they may develop a tendency to rely on generative AI rather than engage in independent problem-solving. Therefore, the way generative AI is integrated into learning and work environments is crucial. Guidance and training are key to ensuring generative AI truly enhances cognitive and professional skills.«
=> si les utilisateurs ne s’engagent pas profondément dans les résultats de la technologie, ils peuvent développer une tendance à s’appuyer sur l’IA générative plutôt que de s’engager dans la résolution indépendante de problèmes. Par conséquent, la manière dont l’IA générative est intégrée dans les environnements d’apprentissage et de travail est cruciale. Les conseils et la formation sont essentiels pour garantir que l’IA générative améliore réellement les compétences cognitives et professionnelles.
Pourquoi je m’en sors mieux (pour l’instant)
À 50 ans, avec mon niveau d’éducation et mon expérience professionnelle, je bénéficie de plusieurs protections « naturelles ».

1. L’éducation comme bouclier
L’étude de Gerlich montre que le niveau d’éducation élevé est « systématiquement associées à de meilleures aptitudes à la réflexion critique, indépendamment de l’utilisation de l’IA ». Mon parcours académique et professionnel m’ont donné des fondations solides de pensée critique.
2. L’expérience comme filtre
Après 25+ ans de carrière, j’ai développé un « bullshit detector » naturel. Quand Claude me propose une analyse, je la confronte rapidement à mon expérience terrain. Les jeunes professionnels n’ont parfois pas encore ce référentiel.
3. La veille comme vigilance active
Mes 30 minutes quotidiennes de veille ne sont pas une corvée mais une discipline. C’est mon mécanisme de défense contre la décharge cognitive passive. En cherchant activement à comprendre comment fonctionnent les outils, je maintiens mon engagement cognitif.
4. La génération pré-IA
J’ai appris à travailler sans IA. Je connais mes processus cognitifs « natifs ». Quand je délègue à l’IA, c’est un choix conscient, pas un réflexe par défaut.
Le paradoxe de ma veille technologique
Sincèrement, en calculant le temps annuel de ma veille au global, à savoir 200 heures, je me suis dit que je perds un temps de dingue!! Et que oui, mes collaboratrices ainsi que mes enfants ont bien raison de se foutre de ma gueule!
Gerlich le dit bien : « Le défi consiste à trouver un équilibre entre l’exploitation des capacités de l’IA à des fins d’efficacité et la garantie que les individus restent engagés sur le plan cognitif et capables d’une pensée critique indépendante ».
Et puis, j’ai pensé que finalement, ces 200 heures sont du temps investi dans des compétences utiles au quotidien… En plus du fait, que ça m’évite de me faire empapaouter par des robots idiots 😉
Le danger pour les organisations
Si une génération entière de jeunes professionnels développe une dépendance cognitive à l’IA sans d’abord avoir construit des fondations solides de pensée critique, que se passera-t-il quand :
- L’IA commettra une erreur majeure dans un contexte critique ?
- Les systèmes tomberont en panne 48h ?
- La solution proposée ne prendra pas en compte un contexte réel ou les émotions des parties prenantes ?
Les études montrent que les travailleurs qui ont développé leur expertise AVANT l’arrivée de l’IA sont capables d’utiliser l’IA comme un amplificateur de leurs capacités. Ceux qui apprennent leur métier AVEC l’IA risquent de ne jamais développer cette expertise fondamentale.
Le tableau que personne ne vous montre
| Ce qu’on mesure | Ce qu’on ne mesure pas |
|---|---|
| ✅ Temps d’exécution réduit (40-60%) | ❌ Temps de validation/fact-checking |
| ✅ Vitesse de production | ❌ Profondeur de réflexion stratégique |
| ✅ Volume d’output | ❌ Pertinence contextuelle |
| ✅ Productivité « par heure d’utilisation » | ❌ Qualité des décisions prises |
| ✅ Gains pour novices sur tâches simples | ❌ Transformation de l’expertise |
4. La fatigue informationnelle (FOMO technologique)
Les annonces du 1er décembre au 25 décembre, sérieux c’est trop!!
J’ai réalisé une infographie pour visualiser les annonces de ChatGPT, Claude, Gemini, NotebookLM, Perplexity, Gamma, Lovable entre le 1er décembre et le 25 décembre 2025 (merci NotebookLM). Alors sincèrement, je ne me suis pas amusée à tout vérifier…
Mais ce schéma illustre simplement la TONNE d’informations qu’il faudrait digérer en 1 mois sur le sujet de l’IAGen. Perso, c’est trop pour moi…

Sentiment immédiat : le découragement ou la noyade?
Je viens à peine de maîtriser Nano Banana que ChatGPT lance une nouvelle version pour faire des images? Je croyais que Lovable était le meilleur outil pour faire des sites mais non, c’est Emergent qu’il faut utiliser?
- Un nouveau concurrent (que je ne connaissais même pas) promet des résultats « 10x meilleurs »
- 5 vidéos Insta « des meilleurs sites pour »
- 3 articles contradictoires sur « la meilleure façon de prompter »
- 2 webinaires cette semaine sur des techniques avancées
- 17 threads Twitter/X de « tips and tricks » que je devrais lire
Et entre temps, je crame du token à gogo, on en parle des bébé dauphins qu’on tue avec le réchauffement climatique et les data center qu’il faut refroidir avec des litres d’eau, qu’on sait même pas comment on va faire tellement y’aura plus d’électricité…?
Toi aussi, tu oscilles entre l’envie d’apprendre, d’étancher ta curiosité, la peur de ne plus être compétent et en même temps, un énorme sens de culpabilité et de vacuité avec toutes ces injonctions toutes pourries alors qu’on pourrait s’occuper de sujets un peu plus importants ?
Le coût psychologique invisible
Les études sur la productivité IA mesurent le temps. Aucune ne mesure le coût mental et émotionnel de cette course perpétuelle.
Si les entreprises, avec leurs équipes, leurs budgets, leurs ressources dédiées, galèrent à ce point… que dire de nous, simples mortels, qui devons :
- Continuer notre travail quotidien
- Suivre 5 à 10 outils différents
- Décider lequel utiliser pour quelle tâche
- Faire gaffe de les utiliser que pour des usages persos (pour éviter la fuite de données pro)
- Réapprendre quand ils évoluent
- Gérer le FOMO permanent (Fear of Missing Out = Peur de Manquer une info)
- Et peut être même suivre une formation (déjà obsolète qui nous fait perdre du temps) dans notre entreprise. Mais ça, c’est une autre histoire…
Le cycle infernal
Backstroke, une entreprise spécialisée en marketing digital, décrit parfaitement ce que j’appelle « l’AI fatigue » : « AI fatigue happens when marketers are expected to learn every shiny new tool on the fly, with no training, no extra time and no strategy. It’s a fast track to disengagement and burnout ».
=> La fatigue liée à l’IA survient lorsque les spécialistes du marketing sont censés apprendre à la volée tous les nouveaux supers outils, sans formation, sans temps supplémentaire et sans stratégie. C’est une voie rapide vers le désengagement et l’épuisement.

Voici mon cycle infernal :
Lundi : je découvre un nouvel outil prometteur
Mardi : je passe 2h à l’explorer, créer un compte, tester
Mercredi : je commence à l’intégrer dans mes pratiques
Jeudi : je regarde une vidéo Insta qui dit qu’un autre outil est meilleur
Vendredi : je me demande si je ne perds pas mon temps
Samedi : je culpabilise de ne pas avoir testé l’autre outil
Dimanche : je lis la newsletter qui m’annonce 3 nouveaux outils
Lundi suivant : recommencer.
L’illusion de la maîtrise
Avec mon permis de conduire, j’ai atteint la maîtrise (si on peut dire) en quelques mois. Depuis, je conduis. Point.
Avec l’IA générative, je n’atteins jamais vraiment la maîtrise. Ou plutôt, je l’atteins… pour quelques jours. Avant qu’une mise à jour change encore et encore les règles du jeu.
L’étude EPAM sur les stades d’adoption de l’IA identifie qu’une utilisation « saine » nécessite 30-40% d’usage hebdomadaire actif. En dessous de 20%, c’est un signal de « résistance culturelle ou de mauvais onboarding » Au secours😱
Maintenir 30-40% d’usage actif demande un investissement cognitif constant. Et cet investissement, personne ne le compte comme un coût.
Les questions que je me pose chaque jour
- « Est-ce que la V7 de Midjourney est meilleure que la V6.1 pour créer des images ? »
- « Est-ce que je peux utiliser le knolling autre part qu’avec Nano Banana ? »
- « Est-ce que la version 5.2 de ChatGPT change mes pratiques ? »
- « Est-ce que je devrais utiliser Claude ou ChatGPT en payant ? »
- « Est-ce que je dois créer des agents comme tout le monde ? »
- « Est-ce que je suis la seule à ne pas maîtriser N8N ? »
Ces questions occupent un espace mental non négligeable. Et cet espace mental a un coût : fatigue décisionnelle, anxiété de performance. Certaines personnes ressentent aussi le syndrome de l’imposteur (« tout le monde semble mieux s’en sortir que moi »).
Le paradoxe de l’abondance
Plus il y a d’outils, plus je dois investir de temps pour :
- Les découvrir
- Les évaluer
- Les comparer
- Choisir
- Apprendre
- Maîtriser
- Réapprendre quand ils évoluent
Les éditeurs des outils en IAGen nous promettent la productivité. Mais l’abondance de choix crée une charge cognitive qui n’existait pas avant.
Avant, j’écrivais avec Word. Un outil, pourrit certe, mais que je maîtrisais à peu près.
Maintenant, pour produire du texte, je dois choisir entre : ChatGPT (quelle version ?), Claude (quel modèle ?), Gemini, Copilot, Perplexity, et une dizaine d’autres. Sans compter les outils spécialisés par cas d’usage.
Cette charge de décision permanente est invisible dans les études de productivité.
Ce que personne ne mesure
| Type de coût | Impact | Mesuré dans les études ? |
|---|---|---|
| Charge cognitive du choix d’outil | Fatigue décisionnelle | ❌ Non |
| Anxiété de « rater » une nouveauté | Stress chronique | ❌ Non |
| Temps de veille technologique | 200h/an dans mon cas | ❌ Non |
| Syndrome de l’imposteur | Baisse de confiance | ❌ Non |
| Sentiment de ne jamais maîtriser | Découragement | ❌ Non |
| Budget perso pour les outils en version pro | 655 €/an dans mon cas | ❌ Non |
Le coût d’opportunité
Mes 200 heures annuelles de veille IA, c’est :
- 25 jours de travail à temps plein
- 5 semaines de congés
- Le temps de lire 40 livres
- Le temps de faire une formation diplômante
- Le temps de développer une nouvelle compétence métier
Est-ce que cet investissement en vaut la peine ? Honnêtement, parfois je doute…
Certaines semaines, je me dis que oui : ce nouvel outil que j’ai découverte a vraiment amélioré mon travail et en plus, il m’amuse! (ex. Quand j’ai découvert les podcasts sur NotebookLM, je me suis franchement amusée).
D’autres semaines, je me dis que non : j’ai passé 3 heures à apprendre un outil et j’y comprends toujours rien… en plus du fait que je ne sais pas à quoi il peut vraiment me servir… ex. N8N. J’ai compris, mais j’ai pas compris.
Je me dis que je ne regarde pas de séries pour éviter de me faire bouffer la vie par Netflix. Est-ce que c’est l’IAGen qui est en train de bouffer ma vie au lieu de l’améliorer?
Conclusion : Redéfinir la productivité à l’ère de l’IA
Ce que j’ai appris en écrivant cet article
Les études sur la productivité IA mesurent simplement ce qu’elles ont choisi de mesurer.
- Les 40-60% de gains de temps sont réels… pour les tâches spécifiques testées, dans des conditions contrôlées, en ignorant le temps d’apprentissage.
- Les +33% de productivité sont réels… pendant les heures où on utilise l’IA, sans compter la veille, la validation, le fact-checking.
- Les +18% de qualité sont réels… quand un expert valide, affine et contextualise les outputs.
Le problème n’est pas dans les études. Le problème est dans le discours marketing et médiatique qui extrait ces chiffres de leur contexte pour nous vendre une promesse simpliste : « L’IA vous fera gagner du temps. »
Pour qui l’IA générative est-elle vraiment productive ?
En croisant toutes les études, des tendances se dégagent :
L’IA booste massivement :
- Les juniors sur des tâches qu’ils ne maîtrisent pas encore (+35% pour les agents de support débutants)
- Les tâches standardisables et répétitives (support client, emails types)
- Les volumes de production sur des formats connus
L’IA transforme (sans forcément accélérer) :
- Les experts qui l’utilisent comme amplificateur de réflexion
- Les tâches créatives nécessitant jugement et contextualisation
- Le travail stratégique et analytique approfondi
L’IA peut nuire :
- Quand elle est utilisée hors de ses capacités (-19% de performance)
- Quand elle crée une dépendance cognitive (r = -0.75 avec la pensée critique)
- Quand le FOMO technologique épuise l’utilisateur

Le vrai enjeu : rester aux commandes de sa vie
Le danger de l’IA générative n’est pas qu’elle nous rende moins productifs. Le danger est triple :
1. Le danger du discours simpliste
Si on croit naïvement qu’on « gagne 40% de temps », on va sous-estimer le coût réel d’adoption, se décourager face à la courbe d’apprentissage, et potentiellement abandonner un outil qui pourrait vraiment transformer notre travail.
2. Le danger de la dépendance cognitive
Si on délègue notre réflexion à l’IA sans maintenir notre engagement cognitif actif, on risque de perdre progressivement notre capacité de pensée critique, notre jugement, notre expertise.
3. Le danger de l’ultra-productivité fast food
Au fond, le vrai risque est de croire les injonctions ambiantes et d’être tenté de demander plus aux collaborateurs en moins de temps à cause des IAGen pour produire du « moins bon ». La vraie question devrait être : « comment améliorer la qualité et le sens du travail dans un monde chamboulé par les robots ».
Et même au-delà, comment ai-je vraiment envie de « placer » ma ressource temps dans mes 24h quotidiennes? Pour quel retour sur investissement qualitatif attendu dans ma vie au global?
Le temps ce n’est pas de l’argent, le temps c’est la vie qui pulse!

