Avons nous vraiment envie de revenir au bureau car nous en avons reçu l’ordre?
Les articles dans la presse pour un retour arrière au télétravail pullulent! Je ne reviendrai pas sur les arguments, vous pouvez consulter cet article de 20 minutes.
A noter que le télétravail ne concerne que les cols blancs, car il y a quand même toute une partie de la population active, en magasin, dans les hôpitaux, les écoles etc… pour qui la question ne se pose même pas!
Pourquoi le télétravail ne convient pas à tous?
Une étude réalisée en 2015 par Nicholas Bloom et ses coauteurs a révélé que lorsque les employés optaient pour les politiques de travail à distance, leur productivité augmentait de 13 %.
Lorsque, neuf mois plus tard, les mêmes travailleurs avaient le choix entre rester à la maison ou retourner au bureau, ceux qui avaient choisi la première solution ont vu des améliorations encore plus importantes : ils étaient 22 % plus productifs qu’avant l’expérience.
Cela suggère que les gens devraient probablement déterminer eux-mêmes la situation (domicile ou bureau) qui leur convient le mieux.
Mais est-ce que l’entreprise peut se permettre de donner des droits accrus de télétravail aux collaborateurs autonomes (compétents + motivés + formés au outils collaboratifs à distance) et pas aux autres?
Je ne vais pas redonner tous les avantages du télétravail (plus de sommeil, meilleur équilibre pro/perso, meilleure concentration, moins de pollution etc…).
Savoir télétravailler signifie non seulement savoir utiliser les outils digitaux du travail asynchrone, à distance (partage de documents, Teams, Slack etc…) mais aussi ne pas avoir une personnalité introvertie, plus sensible au sentiment d’isolement.
Attention aussi au temps de connexion aux écrans, voire d’hyperconnexion. L’étude Lecko et CogX (juin 2003) à ce sujet met en garde :
En fin de compte, les employés habitués à une culture d’e-mails, d’appels téléphoniques et de réunions peuvent avoir du mal à changer leurs vieilles habitudes.
Plus qu’un clash de génération, les personnes qui apprécient le télétravail ont la capacité à s’adapter aux nouvelles façons de travailler… ce qui étonnement, n’a rien à voir avec l’âge!
Au fond, pourquoi se voir en physique?
Prithwiraj Choudhury, professeur à la Harvard Business School répond avec quelques propositions. Ses recherches portent sur l’étude de l’avenir du travail, en particulier sur l’évolution de la géographie du travail.
En particulier, il étudie les effets sur la productivité de la mobilité géographique des travailleurs, les causes de l’immobilité géographique et les effets sur la productivité des pratiques de travail à distance telles que le « travail depuis n’importe où » et le « tout à distance ».
Voici une rapide traduction de la vidéo, je trouve son approche pleine de bon sens!
« Les managers et en particulier les cadres supérieurs doivent vraiment réfléchir sur la raison pour laquelle les gens devraient venir au bureau ou n’importe où d’ailleurs!
Si ce but est vraiment bien défini alors l’organisation d’une journée fera sens et vous n’aurez pas à punir ni à inciter les gens à revenir au bureau.
La raison pour laquelle nous devons venir en physique au bureau, est que nous souhaitons bâtir un capital social au sein de l’équipe, au sein de l’organisation et qu’il y a certaines activités comme le mentorat ou le brainstorming qui sont mieux réalisées en physique.
Je vais vous donner un exemple que j’aime beaucoup et qui est suivi par des centaines de petites entreprises de technologie qui n’ont pas de bureaux traditionnels, mais qui organisent des rencontres hors sites chaque mois, parfois même par trimestre dans certains cas.
L’équipe se réunit et ils se rencontrent dans un endroit très agréable, pas dans un bureau ennuyeux du centre-ville qui les oblige à se déplacer pendant deux heures.
Lorsqu’ils sont ensemble, ils ne travaillent pas sur du codage ou leurs feuilles Excel ! L’objectif est très clair.
Ils vont à ces journées pour rencontrer des collègues afin d’établir des liens sociaux afin d’avoir des séances de brainstroming et de mentorat et toute la journée hors site est programmé comme ça.
Les gens veulent assister à ces journées parce que c’est dans un endroit agréable et ils savent pourquoi ils y vont, au lieu de ce qui se passe avec certaines grandes entreprises où les activités au bureau ne font pas sens.
Donc si je dois conduire quelques heures et m’assoir dans un immeuble gris et travailler sur Excel, je me demande pourquoi j’ai perdu deux heures de trajet ?
Encore une fois, le retour au bureau ou le retour sur site devrait être fait d’une manière réfléchie et qui fait sens et alors vous n’aurez pas à donner de la nourriture gratuite ou punir les collaborateurs.
Les gens viendront parce qu’ils aiment être mentorés et passer du temps ensemble et développer des liens sociaux au sein de leur équipe. »
Le travail hybride : le meilleur des deux mondes?
C’est ce qu’affirme l’étude du 9 décembre 2023 de Prithwiraj Choudhury.
Les entreprises qui adoptent une approche stricte du retour au bureau ne sont peut-être pas aussi efficaces que les autres méthodes.
La peur principale des dirigeants est au fond la baisse de la productivité de leurs collaborateurs!
L’étude présente des données sur la corrélation entre le travail hybride — le nombre de jours de travail à domicile par rapport aux jours de travail au bureau — et les attitudes et la productivité des employés.
Le meilleur équilibre est de 2 jours sur site par semaine selon l’étude.
Les travailleurs qui ont passé en moyenne deux jours au bureau chaque semaine ont déclaré avoir un meilleur équilibre travail-vie personnelle, une plus grande satisfaction au travail, une bonne productivité et un isolement plus faible par rapport aux travailleurs qui ont passé plus ou moins de jours au bureau.
Le télétravail de 2 jours par semaine donne lieu à des rendements plus élevées pour la qualité du travail et la créativité des managers.
Mais alors, à quoi sert de revenir au bureau?
Sid Sijbrandij, cofondateur et PDG de GitLab, a déclaré : « Je sais que chez Pixar, ils ont placé les toilettes au centre pour que les gens se croisent. Mais pourquoi dépendre du hasard pour cela? Pourquoi ne pas organiser réellement la communication informelle? »
Christina Wallace de HBS, elle leur a donné un joli nom : « les collisions communautaires ».
Et les entreprises ont toujours eu besoin de les fabriquer pour renforcer le lien social.
Cela m’amène à citer le fabuleux article de David Autissier de mai 2021 sur le sujet : « La nécessaire scénarisation des jours en présentiel dans les entreprises« .
Pourquoi scénariser le temps au bureau?
David Autissier parle volontiers de « Day In » collectifs, ces jours de travail sur site où toute l’équipe est présente.
Cet article a été écrit au moment du retour sur site à la fin de la période COVID et pourtant il reste absolument d’actualité!
Il ne suffit pas de revenir, il s’agit avant tout de créer de la valeur tous ensemble!
« Les salariés ont la perception qu’aucune tâche individuelle ne justifie le retour sur site. Par conséquent, le retour du site faire naître le défi managérial de ne pas décevoir, de réembarquer les collaborateurs et de répondre à des attentes implicites et fortes sur la qualité du travailler ensemble au bureau« .
Comment structurer le présentiel collectif ?
L’analyse de pratiques sur le sujet fait émerger quatre séquences avec des périodicités différentes.
Ces quatre séquences symbolisées dans la matrice ci-dessous différencient si les pratiques sont collectives ou en petits groupes et de nature formelle ou informelle.
- Les séquences collectives sont à envisager de manière bi mensuelle ou mensuelle.
- Les séquences en petits groupes sont hebdomadaires ou bi-mensuelles.
En fonction des temporalités, s’il y a un ordre, il est indiqué par les flèches sur la matrice :
- Des séquences de teambuilding pour recréer et maintenir le lien : ice-breaker, teambuilding, identification des points douloureux, alignement des motivations et des contraintes, idées de simplification et d’amélioration continue, etc.
- Des séquences de production collective: groupes de travail visant à définir les missions, réalisations et les modes de production en termes de ressources et d’organisation (qui fait quoi comment quand et avec quoi).
- Des séquences d’échanges informels: les personnes échangent librement entre elles sur leurs productions et interrogations dans une logique de solidarité de proximité.
- Des séquences d’échanges bilatéraux : temps de travail entre personnes pour coordonner leurs actions en vue d’une production donnée
Lecteur, si tu es manager, pose-toi les bonne question pour incarner cette matrice dans tes rituels d’équipe.
Pour conclure
Aucune injonction, aucun ordre n’a jamais motivé un humain! Et ce ne sont pas « les règles ou les process » qui vont augmenter la productivité en entreprise!
Alors oui, le télétravail ne concerne pas tous les métiers, pas les trop juniors et ne convient pas à toutes les personnalités.
Mais par pitié, vous Managers qui lisez cet article, si vous demandez aux personnes de revenir dans un lieu physique pour travailler ensemble, prenez le temps et la responsabilité de réfléchir pour créer de la valeurs dans ces interactions collectives.
Et chacun viendra volontiers pour vivre sa meilleure vie au taff yeah! Après tout, nous sommes des mammifères sociaux dotés de bon sens 😉